L’itinérance s’impose comme l’un des enjeux majeurs à Sherbrooke, où les interventions policières liées à ce phénomène ont bondi à 1826 dossiers en 2024, contre 1348 en 2023, selon les données du Service de police de Sherbrooke (SPS). Dans ce contexte, les candidats à la mairie ont été invités à se prononcer sur la manière dont la Ville, avec ses ressources actuelles, peut soutenir les organismes communautaires, améliorer l’inclusion sociale et intervenir en matière de logement.
Un enjeu à plusieurs paliers, mais une pression municipale bien réelle. La Ville de Sherbrooke dispose déjà d’un plan d’action municipal en itinérance 2023-2026, en collaboration avec la Table en itinérance, le SPS et plusieurs partenaires communautaires. Ce plan comprend 28 actions, dont 19 relèvent directement de la Ville. Mais les candidats reconnaissent : les besoins sont en croissance, les ressources limitées, et les responsabilités partagées entre municipal, provincial, fédéral et CIUSSS.
Marie-Claude Bibeau: le rôle de chef d’orchestre
Candidate indépendante, Marie-Claude Bibeau mise sur le partenariat plutôt que sur une intervention unilatérale de la Ville. «La Ville doit exercer un leadership, oui, mais surtout jouer un rôle de chef d’orchestre pour favoriser la cohésion entre tous les acteurs», dit-elle. Selon elle, les services sociaux relèvent d’abord du gouvernement du Québec, mais la Ville doit être présente à la table pour représenter les besoins du milieu et appuyer les intervenants communautaires, les commerçants et les citoyens qui vivent les effets de l’itinérance sur le terrain.
Sur l’idée d’utiliser certaines églises appartenant à l’Archevêché comme haltes-chaleur ou hébergement temporaire, elle se montre ouverte à des solutions innovantes, en autant qu’elles soient bien encadrées.
Vincent Boutin: mise à jour du plan d’action et place à la réinsertion
Candidat et travailleur à la Grande Table, Vincent Boutin rappelle que la mise à jour du plan d’action municipal est essentielle. Il souligne l’importance d’ajouter des priorités en matière de réinsertion sociale et d’élargir les collaborations, notamment avec le Partage Saint-François.
Selon lui, l’Archevêché pourrait jouer un rôle accru. «Il faut être ouverts aux propositions novatrices pour offrir du répit, des haltes-chaleur, voire plus», dit-il.
Il insiste aussi sur l'importance du travail de déstigmatisation, de la concertation et de l'importance de reconnaître les limites financières de la Ville, notamment pour construire du logement sans l'appui des autres paliers.
Raïs Kibonge: urbanisme et concertation
Du côté de Sherbrooke Citoyen, le chef Raïs Kibonge estime que la solution passe par une approche structurée et collaborative. Il souligne les acquis du plan d’action municipal, mais évoque aussi le futur plan d’urbanisme comme un levier clé pour répondre à la crise du logement, notamment par le développement de logements supervisés, hors marché ou maisons de chambre.
«Ce qu’on fait, c’est créer les conditions pour que d’autres paliers puissent nous aider. On mise sur la concertation avec la Table en itinérance et sur une vision de logement adaptée aux réalités des personnes vulnérables», explique-t-il.
Il rappelle que si l’itinérance est une problématique complexe, elle s’ancre souvent dans la précarité économique: «Il faut travailler sur l’accès au logement pour sortir durablement des cycles d’exclusion.»
Guillaume Brien: miser sur le logement hors marché et l’innovation
Chef de Vision Action Sherbrooke, Guillaume Brien parle avec passion de logement communautaire et spécialisé, un domaine qu’il connaît bien pour avoir œuvré à la Fédération des coopératives de l’Estrie. Il cite la création de la coopérative L’Autre Toit comme exemple de projet innovant pour les personnes à risque d’itinérance.
Pour lui, le problème, ce n’est pas les personnes en situation d’itinérance, «c’est l’itinérance elle-même, qui est une problématique multiforme nécessitant une réponse coordonnée et durable.» Il insiste sur la nécessité de financement adéquat, sur le rôle de la Ville comme facilitatrice et sur l’importance d’impliquer des partenaires comme l’Archevêché pour bonifier l’offre de haltes-chaleur.
«Il faut attirer la créativité, stimuler l’innovation et renforcer les liens avec les organismes et les autres paliers de gouvernement», dit-il.
Écoutez le dossier du journaliste Jean-François Desaulniers.