Alors que le vieillissement de la population s’accélère au Québec, le nombre de personnes en attente d’une place en ressources intermédiaires (RI) connaît une hausse préoccupante. Selon des données obtenues par l’Association des ressources intermédiaires du Québec (ARIHQ), le nombre de personnes inscrites sur ces listes a bondi de 11% en neuf mois, atteignant 5 495 personnes en octobre 2025, comparativement à 5000 en février.
Les ressources intermédiaires jouent un rôle crucial dans le réseau de santé québécois. Ces milieux d’hébergement privé accueillent des personnes semi-autonomes, souvent aux prises avec des enjeux de santé mentale, de dépendance ou de déficience intellectuelle, des individus qui, autrement, seraient pris en charge par des proches aidants ou mal orientés vers des résidences pour aînés, peu adaptées à leurs besoins.
Des listes en croissance… et en désuétude
Le portrait actuel a été dressé à partir de demandes d'accès à l'information envoyées à 23 établissements de santé, et non de données centralisées par le gouvernement. «Ce n’est pas normal qu’on doive faire des démarches manuelles pour connaître l’état réel des besoins», déplore Manon Charpentier, directrice générale de l’ARIHQ.
Elle insiste: «Ce qu’on voit, ce n’est que la pointe de l’iceberg. Beaucoup de gens abandonnent l’attente et se tournent vers des solutions temporaires: des proches aidants, des résidences inadaptées ou même le maintien à domicile sans encadrement.»
Des projets avortés par la bureaucratie
Depuis 2020, plus de 70% des appels d’offres pour la construction de nouvelles ressources ont été annulés, principalement en raison de critères bureaucratiques trop stricts, d’un manque de financement et de délais irréalistes. Le résultat, jusqu’à 4089 nouvelles places auraient pu être créées, estime l’Association.
En Estrie, bien que la liste officielle ait diminué, passant de 384 à 254 personnes en attente, l’ARIHQ souligne que ces chiffres ne reflètent pas la réalité complète. «Ce sont seulement ceux qui sont encore sur la liste. D’autres ont abandonné, ou sont hébergés ailleurs par défaut.»
Une pression croissante sur les proches et les intervenants
L’inaction actuelle a un coût humain considérable. «Ce sont des milliers de personnes vulnérables qu’on laisse en suspens. Et ce sont leurs proches qui paient le prix», déplore Manon Charpentier.
Le réseau des RI héberge actuellement 20000 personnes et fonctionne déjà à pleine capacité. «Nos milieux sont des lieux de vie, pas des lieux de passage. On peut y accueillir une personne pour 30 ou 40 ans. Alors, sans ouverture de nouvelles places, la situation ne peut que se détériorer.»
Une entente attendue avec Québec
Des pourparlers sont en cours depuis mars 2025 avec le ministère de la Santé afin de conclure une entente sur le financement des nouvelles places. Mais selon l’ARIHQ, l’attente est trop longue. «Il faut relancer la construction maintenant, même sans entente finale. Sinon, on aura encore perdu une année», lance Mme Charpentier.
Elle demande aussi un assouplissement des critères d’appel d’offres, jugés irréalistes. «On ne veut pas transformer nos milieux de vie en mini-hôpitaux. On veut offrir des lieux sécuritaires et humains, mais viables économiquement.»
Écoutez le dossier du journaliste Jean-François Desaulniers.