Malgré le départ des Expos, il y a de cela presque 20 ans maintenant, le baseball gagne en popularité chez les jeunes Québécois. Les inscriptions ont plus que triplé depuis cette époque.
Des programmes sport-études ont poussé un peu partout dans la province et les élèves du secondaire qui jouent maintenant au baseball toute l’année prennent ce sport de plus en plus au sérieux.
Mais il y a un problème, tous ces joueurs ont besoin d’un endroit compétitif pour jouer durant l’été, ce qui n’est malheureusement pas le cas pour plusieurs d’entre eux.
Un adolescent, qui s’entraîne durant tout l’hiver pour s’améliorer dans son sport, se doit de jouer dans un niveau plus élevé que la moyenne dans le but de continuer de s’améliorer.
Prenons l’exemple de Montréal qui ne possède que deux équipes élites. Si un joueur n’est pas sélectionné dans l’équipe qui évolue au niveau AAA, les Marquis, il ne lui reste que l’option du AA, avec les Orioles. Mais encore là, une seule équipe existe par niveau, ce qui laisse peu de chances d’y adhérer. Trop de joueurs, pas assez d’équipes.
L’exercice devient encore plus difficile pour un jeune qui évolue dans un programme sport-études indépendant. Ses chances d’être sélectionné par une de ces deux équipes est pratiquement non-existante. Ces joueurs, moins bien connus, passent souvent inaperçus.
Il ne reste plus que l’option du baseball simple lettre, qui s’avère plutôt du baseball d’ordre récréatif et non compétitif.
Le responsable du programme des Orioles de Montréal Jean-Sébastien Drapeau nuance par contre que de plus en plus, au niveau junior notamment, cela commence à changer.
Les ligues indépendantes dérangent
Des ligues non reconnues par Baseball Québec comme la Little League ou la Can-Am deviennent des options de rechange pour tous ces joueurs qui n’ont aucun endroit où jouer à un niveau compétitif à Baseball Québec.
Sans être aussi structurées que BQ, ces ligues offrent un niveau de compétition plus élevé que le simple lettre. On peut prendre l’exemple de programmes comme celui des Diamonds à Boisbriand ou des Titans de Montréal. Des programmes qui forment des équipes avec des jeunes de talent. Mais attention, ce n’est pas donné. On parle d’inscriptions qui coûtent dans les milliers de dollars, et cela ne compte souvent pas les frais encourus lors des voyages.
Mais plusieurs parents font le sacrifice quand même pour donner à leurs petits une chance d’aller jouer là où le défi sera présent.
Mais attention, les dirigeants des programmes sport-études fédérés ne semblent pas avoir ces équipes à cœur. Plusieurs ne se gênent pas pour menacer les parents. Si leur jeune s’y inscrit, il perdra sa place dans son programme scolaire.
«C’est du "bullying", a lancé l’instructeur indépendant Douglas Toro. Dans mon cas, je ne fais que donner des leçons privées et les enfants me disent qu’à l’école on dénigre mon travail. On ne devrait jamais menacer un jeune de l’expulser de son programme d’école, simplement car il recherche à jouer au plus haut niveau possible.»
Selon Toro, frère du joueur des Brewers de Milwaukee Abraham, Baseball Québec devrait travailler de concert avec ces autres programmes dans le but de s’assurer que tous les jeunes qui s’entraînent à l’école durant l’hiver puissent jouer dans un niveau plus élevé.
«La majorité des sports-études sont en partie financés par le gouvernement du Québec s’est défendu le président de Baseball Québec Maxime Lamarche. C’est normal que ces jeunes-là doivent être inscrits dans un programme de Baseball Québec.»
Selon ses dires, si un jeune décide d’aller jouer dans une ligue indépendante, il doit au moins être inscrit dans une équipe BQ, même de simple lettre, et participer à 50% de ses activités pour garder sa place dans son sport-étude.
«Les gens savent à quoi s’attendre quand ils embarquent avec nous, on leur fait signer des contrats, ce n’est pas une surprise pour personne. C’est un privilège de pouvoir faire partie d’un sport-étude, dit-il.»
C’est en effet clairement indiqué dans leurs règles que seuls les enfants, qui évoluent à l’intérieur de la fédération, ont accès à ces programmes.
Reste que ce sont les parents qui absorbent la grande majorité des frais encourus par le programme de baseball scolaire. Ne devrait-il pas donc avoir le droit de choisir où jouera leur enfant, s’il n’y a pas de place pour eux dans les classes compétitives de Baseball Québec?
«Je ne comprends pas cet entêtement explique Éric Dostaler, responsable du programme "On field" à Repentigny. Tous ces jeunes vont aller passer un bel été à jouer dans une ligue compétitive et ensuite revenir dans leur programme à l’école à l’automne. Je ne vois pas où est le problème, c’est gagnant-gagnant!»
Un dossier qui reste en suspend
Selon Toro, il faut trouver une solution à ce problème, car les parents et les enfants sont ni plus ni moins pris en otage.
«La situation est grave et je la dénonce. C’est de l’intimidation tout simplement. Ce règlement, qui selon moi ne devrait pas exister, ne fait aucun sens. On voit de plus en plus de programmes indépendants pousser un peu partout à cause de cela. Les gens sont frustrés, et ça ne devrait pas être ainsi.»
Toro remarque que dans l’ouest de l’île la majorité des jeunes évoluent dans les programmes indépendants d’Ian Jordan ou Ray Callari pour cette raison précise. Ces deux hommes gèrent depuis longtemps leurs propres programmes de baseball.
«Ça me désole, explique Jordan, demandez à n’importe quel de mes enfants si je les ai déjà forcés à jouer chez nous ou même aller ailleurs durant l’été? Personnellement, je désire simplement les voir jouer à un bon niveau durant l’été pour mieux les retrouver à l’automne à l’école. S’ils jouent avec nous chez les Titans, tant mieux! Sinon, ce n’est pas grave.»
Jordan a avoué qu’il a rarement vu de ses joueurs, même les meilleurs, obtenir leur chance dans les équipes AA ou AAA de Baseball Québec.
Selon Toro, certains programmes sport-études fédérés de la région de Montréal sont en perte de vitesse et doivent se ressaisir.
«Si mon enfant ne fait pas le AA ou le AAA, nous allons tout simplement ne pas jouer cet été, indique un parent qui a voulu garder l’anonymat. Il ne s’entraîne pas tout l’hiver, et je ne paye pas tout cet argent, pour jouer à un niveau récréatif l’été. Et de toute façon, si on va au baseball indépendant, on menace de nous enlever notre place à l’école. C’est vraiment frustrant. Nous sommes tannés de toutes ces chicanes! Pas impossible qu’on aille faire un camp durant l’été en Floride ou en République dominicaine si c’est le cas.»
Les parents déboursent plus ou moins 3000$ par hiver pour inscrire leur enfant au programme sport-études.
Les colonnes ont tremblé à Trois-Rivières lorsqu’un programme de baseball s’est lancé dans l’aventure du baseball indépendant. Plusieurs jeunes ont été menacés de perdre leur place à l’école, ce qui a ni plus ni moins divisé les parents qui ont dû faire un choix difficile pour leur enfant.
Un face-à-face important a aussi eu lieu avec les Diamonds il y a quelques années, pour les mêmes raisons.
Selon Toro, le programme sport-études de Québec s’avère de loin le mieux organisé.
«Ils ont un dôme dans lequel s’entraîner, ils ont les instructeurs de qualité et ils arrivent à envoyer des jeunes dans des Universités américaines. Ça, c’est un bon programme. Je n’ai rien à dire de mal sur leur travail.»
«Nous devrions être capables d’avoir une ligue qui permettrait à chaque élève sport-études d’évoluer dans une bonne ligue compétitive. Mais parfois, je sens qu’on ne priorise que les joueurs élites qui pourraient éventuellement se retrouver à l’Académie de Baseball du Canada.»
Les camps de sélection se poursuivent présentement aux quatre coins du Québec, non sans grande frustration.