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Faudrait-il que les agriculteurs se mettent en grève eux aussi ?

Faudrait-il que les agriculteurs se mettent en grève eux aussi ?
Martin Pelletier / Cogeco Média

Les professeurs, les infirmières, qui diraient qu’ils ne sont pas importants ? Il faudrait tout de même considérer aussi la condition de ceux qui nous font manger. Plusieurs sont à bout.

Nous sommes la troisième génération « dans le lait » et avons décidé que c’était maintenant le temps de prioriser le bien-être de notre famille. Je crois tout de même important de mettre en lumière les conditions de travail d’une majorité d’agriculteurs. Il est grand temps que les choses changent et je veux contribuer à ce changement.

Nous, les agriculteurs, sommes les esclaves des jours.

Un matin, pendant la traite, notre fille de deux ans et demi est décédée à la maison. Il n’était pas prévu que ça arrive ce jour-là. Elle était très malade. Toujours est-il que son père n’aura pas pu prendre le temps d’être à son chevet comme il l’aurait voulu. Il fallait qu’il soit dans la grange. Les vaches, c’est maintenant. Tout le temps. Chaque jour. Chaque semaine. Toute l’année. Toute la vie.

On ne peut pas être en retard. Tout ira mal, sinon. Ce matin-là, je l’ai appelé pour lui dire de venir. Maintenant. Tout de suite. Il était là en moins de 30 secondes. Essoufflé. Épuisé par ces deux années folles à courir entre Sainte-Justine et la grange, il a pris dans ses bras le petit corps de notre fille.

Je me souviens de la violence de sa peine. Son chagrin était infini. Sa douleur, profonde. Moins de quatre heures après le décès de notre fille, il a dû retourner traire les vaches. Il ne pouvait compter sur aucun employé pour le remplacer. Qui part travailler le jour où son enfant meurt ? Un agriculteur.

Aucun répit


Entre la routine du quotidien, l’agriculteur doit être charpentier, mécanicien, plombier, ingénieur, bricoleur. Bref, il doit savoir répondre sur-le-champ à toutes les exigences, à tous les imprévus. Il doit aussi remplir des papiers puis veiller à respecter ses fournisseurs, ses délais, ses échéanciers.

Il faut préparer la retraite d’un des associés. Tout sera-t-il bien pour lui ? Personne n’est tombé encore, mais la relève tarde à arriver. Les transferts de ferme sont ardus.

Dès l’instant où le lait quittera le réservoir, tout le monde sur son chemin jouira de conditions supérieures à celui de son producteur.

Le soleil ne se couche jamais à la ferme. Pourtant, nous sommes souvent dans le noir. Qu’est-ce qui va nous arriver demain ? Nous ne le savons pas.

On fait pitié. Je suis tannée qu’on fasse pitié. Je veux qu’on nous prenne au sérieux. Je ne veux plus entendre qu’un agriculteur a camouflé son suicide en accident, parce qu’il pense valoir plus cher mort que vivant. Si on ne règle pas le problème à la base, si on n’arrive pas à offrir un équilibre à nos agriculteurs, c’est avec une charrue plutôt qu’à la petite cuillère qu’il faudra les ramasser tellement les dégâts seront grands. La détresse est grande. Vous en rendez-vous compte ?

Le nombre de fermes n’a cessé de diminuer. Faudra-t-il qu’elles disparaissent toutes ? Voulons-nous vraiment que nos tables soient garnies de nourriture qui provient de l’étranger pour qu’enfin les gens se réveillent ?

Faut-il faire la grève nous aussi pour que ce pays se rende compte qu’il n’existe pas sans paysans ?

Maryse Lecavalier
L’autrice est associée d’une entreprise agricole spécialisé dans le foin. Elle est conjointe d’un producteur laitier et maman.

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