Au lendemain des élections municipales, les enjeux en matière d’habitation demeurent au cœur des préoccupations à Sherbrooke. La nouvelle mairesse, Marie-Claude Bibeau, hérite d’un dossier particulièrement complexe dans un contexte où le taux d’inoccupation des logements est inférieur à 3%, bien loin du seuil d’équilibre de 4%.
Selon Jean-François Desaulniers, les défis seront nombreux pour la Ville, notamment en l’absence de nouveaux investissements des programmes provinciaux et fédéraux tels que le Programme habitation abordable du Québec ou Maison Canada. La politique d’habitation adoptée par la Ville vise à atteindre 20 % de logements hors marché, mais les moyens financiers pour y parvenir se font rares.
Un conseil municipal hétéroclite
Mme Bibeau devra composer avec un conseil municipal diversifié, formé à la fois d’indépendants et d’élus issus de Vision Action Sherbrooke et de Sherbrooke Citoyen. Selon Sylvain Mathieu, directeur régional de l’APCHQ Estrie, cette diversité politique risque de compliquer la mise en œuvre d’une vision commune en matière d’aménagement et de développement résidentiel.
Le représentant de l’APCHQ souligne toutefois que la Ville devra demeurer un partenaire pour tous les acteurs du milieu, autant les constructeurs que les coopératives ou les associations de locataires.
Des programmes à surveiller
En campagne électorale, Marie-Claude Bibeau a promis de faire de la Ville un facilitateur et de maximiser l’impact des investissements en habitation. Elle souhaite notamment:
- soutenir les familles dans l’achat d’une première propriété avec le programme Accès Famille Sherbrooke (crédit d’accession de 5% du prix d’achat);
- maintenir les 8 millions de dollars du Fonds Maison, sans promesse d’augmentation immédiate;
- accélérer le traitement des permis pour stimuler la construction résidentielle.
La mairesse a également évoqué la possibilité d’assouplir le Plan nature, qui protège actuellement 45% du territoire naturel de la ville, afin de libérer certains terrains pour le développement résidentiel — une démarche qui suscite toutefois des débats sur le plan légal et environnemental.
Des besoins criants en logements abordables
L’Association des locataires de Sherbrooke rappelle qu’environ 2500 ménages attendent un logement social ou abordable. Son représentant, Mario Mercier, espère que la Ville respectera son engagement de maintenir le financement annuel de 450000$ pour l’organisme et poursuivra la réflexion sur le réaménagement de l’église Sainte-Famille, un site qui pourrait accueillir des logements communautaires.
Un contexte favorable, mais fragile
Malgré les inquiétudes exprimées, la construction résidentielle privée se porte relativement bien à Sherbrooke. Après une année record en 2024, la ville enregistre 1185 mises en chantier pour les trois premiers trimestres de 2025, une hausse de 4% par rapport à l’année précédente.
Le défi demeure toutefois dans le logement abordable, où les projets tardent à se concrétiser. «Le financement est complexe et dépend largement des paliers provincial et fédéral», rappelle Sylvain Mathieu.
Ce qui reste à surveiller
Le prochain budget fédéral, attendu dans les prochains jours, pourrait préciser la part du Québec dans le programme Maison Canada. Plusieurs acteurs du milieu espèrent que Sherbrooke saura obtenir sa juste part du financement pour répondre à la demande croissante en habitation.