Mardi soir, au conseil municipal de Sherbrooke, un point discret à l’ordre du jour pourrait avoir un impact majeur sur l’avenir de la mobilité ferroviaire en Estrie. Le point 7.4.2, intitulé «Renouvellement de l'entente intermunicipale de l'Alliance du corridor ferroviaire Estrie–Montérégie», peut sembler anodin. Mais derrière ce jargon administratif se cache un enjeu central: le maintien du projet de train de passagers entre Lac-Mégantic, Sherbrooke et Montréal.
Ce projet, porté entre autres par la Fondation Train de nuit et soutenu par plusieurs élus depuis des années, est actuellement freiné par des négociations stagnantes avec le Chemin de fer Canadien Pacifique (CP). Une étude de capacité sur le corridor ferroviaire existant devait être menée pour déterminer les conditions d’accueil d’un train de passagers sur la voie déjà utilisée pour le transport de marchandises. Les fonds (340000$) ont été obtenus grâce aux gouvernements provincial et fédéral, mais le projet piétine.
Un virage inattendu?
Selon François Rebello, directeur de la Fondation Train de nuit, la direction de l’Alliance du corridor ferroviaire (l'ACFEM) envisagerait maintenant d’abandonner les négociations avec le CP pour plutôt étudier des «alternatives», notamment, la construction d’une nouvelle voie ferrée en bordure de l’autoroute 10.
Une idée que Rebello juge irréaliste, tant en raison des coûts astronomiques estimés que de l’inutilité de construire une nouvelle voie ferrée alors qu’un tracé existe déjà.
«On parle de coûts de 100 milliards de dollars pour construire une nouvelle voie. Ça n’arrivera jamais. Il y a déjà une voie ferrée existante, et le CP est ouvert à discuter. Encore faut-il que la représentation soit efficace.»
Un appel clair aux élus
François Rebello appelle donc les conseillers municipaux de Sherbrooke à la vigilance, et surtout, à poser les bonnes questions ce soir. Selon lui, il est impératif de s’assurer que le mandat de l’Alliance reste clair, il faut poursuivre l’étude de capacité avec le CP et livrer des résultats.
«Si la direction de l’Alliance n’est pas capable d’aller au bout de cette négociation, qu’elle demande de l’aide. Mais on ne peut pas tourner le dos à un projet aussi porteur pour la région.»
Le train de passagers: une attente longue de 10 ans
Cela fait maintenant plus d’une décennie que l’idée d’un train de passagers entre Montréal et l’Estrie est discutée. Une étude de faisabilité avait été réalisée, et l’étude de capacité devait en être la suite logique. Le CP s’est dit prêt à évaluer les conditions de passage des trains, mais attend que cette étude soit complétée.
Rebello rappelle aussi que le soutien des villes du corridor est crucial pour que les gouvernements investissent dans le projet.
«Québec et Ottawa ne bougeront pas si les villes du corridor ne sont pas coordonnées et efficaces. Ce n’est pas juste une question d’argent, c’est une question de leadership local.»
Et maintenant?
La question pour ce soir est simple, mais cruciale : le renouvellement de l’entente s’inscrit-il dans la continuité du projet de train de passagers via la voie existante, ou marque-t-il un changement de cap? Les élus ont le droit et même le devoir de poser cette question avant de voter.
Et si les réponses ne sont pas claires, pourquoi ne pas reporter l’adoption du point pour s’assurer que la décision serve réellement les intérêts des citoyens et de la mobilité en Estrie?
Écoutez l’entrevue accordée aux animateurs Steve Roy et Valérie St-Jean.
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