Malgré l'engagement du gouvernement de la Coalition avenir Québec (CAQ) à généraliser la maternelle 4 ans, le programme fait face à un important recul, suscitant des inquiétudes quant à l'atteinte de la cible de 2 600 classes d'ici 2029.
Alors que la CAQ multiplie les efforts pour développer le réseau, le ministère de l'Éducation peine à ajouter des classes. L'an dernier, sur les 40 classes prévues, seulement 31 ont été ouvertes. Plus préoccupant, certaines régions enregistrent même des fermetures de classes, notamment en Capitale-Nationale (-13), Lanaudière (-6), au Centre-du-Québec (-6) et dans le Nord-du-Québec (-4).
Plusieurs facteurs expliquent ce ralentissement, incluant le manque de locaux adaptés, les contraintes budgétaires, l'impact de l'immigration sur les besoins en personnel, et surtout, la pénurie criante d'enseignants qualifiés.
L'Estrie et l'enjeu du personnel
Bien que la situation soit plus stable en Estrie, la pression sur le personnel enseignant est palpable. David Raymond, président du Syndicat de l'enseignement de l'Estrie, alerte sur le risque de nuire à la qualité de l'éducation si l'expansion se fait au détriment des qualifications.
«Plus de classes de maternelle quatre ans signifie avoir plus de non légalement qualifiés dans le système.» David Raymond, Syndicat de l'enseignement de l'Estrie
Le syndicat préconise de concentrer les efforts sur les milieux défavorisés, là où l'accès à la petite enfance est souvent limité. La maternelle 4 ans, avec son important volet de rencontres parentales, y apporterait une valeur ajoutée significative en outillant davantage les familles.
Des objectifs mal anticipés et le spectre de la «ghettoïsation»
Selon Égide Royer, psychologue et spécialiste de la réussite scolaire, le gouvernement aurait sous-estimé les besoins en locaux et en nouveaux enseignants depuis 2018, un défi amplifié par l'augmentation du nombre d'élèves issus de l'immigration. Bien qu'il réaffirme la pertinence du programme pour la réussite scolaire, notamment pour les enfants de milieux défavorisés ou ayant des retards de développement, il souligne que la difficulté à recruter du personnel contraint parfois les écoles à faire des choix déchirants.
De son côté, Yolande Brunelle, spécialiste en éducation et instigatrice du premier projet pilote de la maternelle 4 ans, interpelle directement la ministre Sonia Lebel. Elle s'inquiète du «danger de ghettoïsation» si les critères d'accès aux classes, déjà plus restrictifs que ceux de la maternelle 5 ans, devaient en réserver l'accès uniquement à une clientèle en difficulté.
Elle voit également dans le programme un outil précieux pour l'intégration et la francisation des enfants immigrants, citant en exemple l'apprentissage rapide du français chez de jeunes élèves pakistanais.
Les observateurs s'entendent, face à la réalité du terrain et aux multiples obstacles, une réévaluation urgente et réaliste des objectifs pour 2029 s'impose. La question demeure, le gouvernement avait-il les moyens d'exécuter ce projet d'envergure?