Après des mois de silence sur le sujet, Donald Trump revient à la charge avec l’une de ses armes politiques favorites : les tarifs douaniers. Cette fois, c’est l’industrie du cinéma international qui se retrouve dans la ligne de mire de l’ex-président américain. Il a brandi la menace d’imposer des tarifs douaniers de 100% sur les films produits à l’extérieur des États-Unis.
Une annonce qui, si elle devait se concrétiser, pourrait avoir des conséquences importantes pour le Québec, et plus précisément pour des régions comme l’Estrie, qui accueillent régulièrement des tournages étrangers.
Pierre-Philippe Côté, président fondateur du Bureau Estrien de l’Audiovisuel et du Multimédia (BEAM), était en entrevue pour réagir à cette nouvelle incertitude.
Une menace floue, difficilement applicable
Selon M. Côté, l’idée même d’un tarif douanier sur des œuvres cinématographiques internationales est difficilement applicable, sinon carrément irréaliste.
«Les productions américaines sont profondément interconnectées avec le reste du monde. Un film peut être tourné au Québec, avec des acteurs américains, un réalisateur européen, des effets spéciaux faits à Montréal et un montage à Hollywood. Comment voulez-vous taxer un produit aussi éclaté?»
Il rappelle que les tarifs douaniers sont traditionnellement appliqués à des biens physiques, comme les voitures ou l’acier, et non à des contenus numériques diffusés en streaming à l’échelle mondiale.
Le Québec, une destination prisée des productions étrangères
Depuis plusieurs années, le Québec attire de nombreuses productions internationales, notamment grâce à ses crédits d’impôt compétitifs, sa main-d’œuvre qualifiée et la diversité de ses paysages. L’Estrie, notamment, a su se tailler une place enviable dans ce secteur.
«En Estrie, les retombées économiques des tournages, qu’ils soient locaux ou étrangers, se chiffrent en dizaines de millions de dollars par année. Et le potentiel est encore plus grand si l’on attire des projets d’envergure américaine», explique M. Côté.
Des productions majeures ont déjà été envisagées dans la région, comme une série pour une grande compagnie américaine, qui n’a finalement pas vu le jour ici en raison d’avantages fiscaux plus intéressants ailleurs au Canada. Mais l’intérêt demeure.
Une industrie qui exige stabilité et prévisibilité
L’instabilité des politiques commerciales, particulièrement celles de l’administration Trump, représente un obstacle majeur pour une industrie qui planifie des projets sur plusieurs années.
«On ne sait jamais à quoi s’attendre avec Donald Trump. Il annonce une politique un jour, puis change d’idée le lendemain. Or, les studios choisissent leurs lieux de tournage un ou deux ans à l’avance. Ils ont besoin de prévisibilité, ce que ce genre de menace compromet totalement», soutient M. Côté.
Créer malgré l’incertitude
Malgré le climat d’incertitude, M. Côté reste optimiste. Il souligne que le Québec a su développer une expertise technique et artistique unique, et que des initiatives comme les camps d’écriture du BEAM à Saint-Adrien permettent de soutenir la relève et de développer du contenu d’ici.
«On a des artistes incroyables, des techniciens de haut niveau, et un savoir-faire reconnu. Le cinéma québécois n’a jamais eu autant de potentiel. Il faut juste qu’on lui laisse la place de s’exprimer», conclut-il.
Écoutez l’entrevue accordée à l’animateur Jean-Sébastien Hammal.