C’est le grand retour de l’émission «Les dessous de l’immobilier en Estrie» sur les ondes du 107 Estrie FM. Pour cette nouvelle saison, l’animateur Jean-François Bérubé frappe fort en accueillant deux experts de l’immobilier: David Bourgon, courtier immobilier chez RE/MAX, et Yannick Crack, avocat associé et chef de l’exploitation chez Therrien Couture Joli-Coeur. Au menu: tendances du marché, accès à la propriété, logements locatifs, copropriétés et… la fameuse Loi 16.
D’entrée de jeu, David Bourgon dresse un portrait plutôt dynamique du marché immobilier estrien. Président de la Chambre immobilière de l’Estrie, de la Mauricie et du Centre-du-Québec, il note une hausse de 14% des ventes résidentielles en date du 31 juillet, par rapport à l’année précédente. Pendant ce temps, l’inventaire des propriétés à vendre recule légèrement, de 1%. Résultat? Une pression à la hausse sur les prix.
«On est encore en déséquilibre. L’effet est direct : +10% pour le prix médian des maisons unifamiliales, +9% pour les condos, et +10% pour les plex», souligne M. Bourgon.
Malgré les incertitudes du début d’année – inflation, taux d’intérêt élevés, contexte politique – le marché a rapidement rebondi. Les taux hypothécaires, maintenant stabilisés autour de 4%, ont permis de rassurer les acheteurs.
Locatif: du neuf, mais à quel prix?
Sur le marché locatif, la construction continue, portée notamment par les incitatifs gouvernementaux. À Magog, pas moins de 500 nouveaux logements sont attendus prochainement. Mais l’abordabilité reste un enjeu majeur.
«À Magog, on parle maintenant d’un logement abordable à environ 1 250$ par mois pour un 4½», note le courtier.
Les constructions neuves peinent parfois à se louer, surtout dans le haut de gamme, ce qui pousse certains promoteurs à offrir des gratuités – un ou deux mois de loyer, par exemple. Cette situation pourrait entraîner un ralentissement temporaire de l’investissement dans les projets immobiliers neufs.
Investisseurs: retour vers l'usagé
L’intérêt revient donc vers les immeubles existants, notamment les plex de 2 à 5 logements. Le nombre de ventes a bondi de 10%, tandis que l’inventaire a chuté de 15%. Les investisseurs y voient un produit plus facile à louer à un coût raisonnable, loin des loyers parfois prohibitifs des constructions neuves.
Loi 16: les enjeux juridiques
Alors que les marchés de l’immobilier et de la copropriété continuent d’évoluer à un rythme effréné, la Loi 16, adoptée en 2019 et dont plusieurs dispositions entreront en vigueur à partir d’août 2025, revient au cœur des discussions. Pour démystifier ses impacts, nous avons rencontré Me Yannick Crack, avocat associé et chef de l’exploitation chez Therrien Couture Joli-Coeur.
Loi 16: une réforme structurante pour les copropriétés
En entrevue, Me Crack confirme d’emblée que la Loi 16 touche autant les copropriétés résidentielles que commerciales. «Il n’y a pas de distinction claire dans la loi. Les obligations s’appliquent aux deux types de copropriétés», précise-t-il.
L’un des éléments phares de la réforme? Le carnet d’entretien, un document désormais obligatoire qui vise à assurer une gestion rigoureuse et préventive des bâtiments. «Essentiellement, ça implique de mandater un professionnel – ingénieur ou architecte – pour dresser un portrait complet de l’état du bâtiment.»
Le gouvernement prévoit un délai de grâce de trois ans, soit jusqu’au 14 août 2028, pour se conformer. Toutefois, Me Crack recommande de ne pas attendre. «Il va y avoir une pression accrue sur les professionnels du bâtiment. Mieux vaut s’y prendre tôt.»
Pas de pénalités… mais des conséquences bien réelles
Bien que la loi ne prévoit pas encore de sanctions, l'absence de carnet ou de fonds de prévoyance adéquat pourrait freiner – voire faire échouer – des transactions. « Un notaire ou un courtier rigoureux va devoir dénoncer le manque de conformité. Et un acheteur avisé risque de se retirer ou de renégocier à la baisse. »
Selon Me Crack, les notaires et courtiers ont désormais un rôle accru à jouer: «Ce sont eux qui vont devoir vérifier si le carnet d’entretien est en place, s’il est fait par un professionnel accrédité et si le fonds de prévoyance est suffisant.»
Garantie légale et recours : un terrain glissant
Un autre enjeu soulevé : la vente sans garantie légale, une pratique de plus en plus courante, surtout en contexte de vice caché ou de marché tendu. «Ce type de vente peut isoler le vendeur actuel de toute responsabilité, mais ouvrir la porte à des recours contre des propriétaires précédents. C’est une tendance qui demande encore à être testée devant les tribunaux.»
Il rappelle que la garantie légale couvre à la fois le droit de propriété et la qualité de l’immeuble, incluant les vices cachés. Mais obtenir gain de cause en cas de problème n’est jamais garanti. «Il faut dénoncer dans un délai raisonnable, par écrit, permettre au vendeur d’inspecter… Ce sont des démarches précises, et le fardeau est lourd.»
Et si l’acheteur n’a pas fait inspecter le bien? «Il s’expose à ce qu’on considère que le problème était apparent. Dans bien des cas, le tribunal pourrait estimer qu’il a manqué à son devoir de diligence.»
L’importance de la transparence dans les transactions
En conclusion, Me Crack insiste : que l’on soit vendeur ou acheteur, la clé est la transparence. «Si vous voulez vendre votre condo dans de bonnes conditions, assurez-vous que votre syndicat de copropriété a tous les documents à jour. Du côté de l’acheteur, posez les bonnes questions, et assurez-vous que le carnet d’entretien existe – ou est en cours de réalisation.»
Selon lui, la Loi 16, bien qu’imposante, va dans la bonne direction. «L’objectif est simple: assurer la pérennité des immeubles, protéger les copropriétaires et faciliter des transactions saines.»