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Le dossier d'Anthony Ouellet

Documents exclusifs : les papetières scrutées après l'enquête SLA

Documents exclusifs : les papetières scrutées après l'enquête SLA
L'usine de Windsor de la compagnie Domtar. / Site web de Domtar

L'industrie des pâtes et papiers était au centre des préoccupations de l'enquête sur la SLA dans le Val-Saint-François, révèlent des centaines de pages de courriels et de documents obtenus par le 107,7 Estrie. À défaut d'avoir pu établir un lien, la santé publique de l'Estrie «va la surveiller», cette industrie, dans le but de déterminer si des mesures doivent être prises pour protéger la population.

Rappelons que l'enquête sur la sclérose latérale amyotrophique (SLA) dans le Val-Saint-François s'est conclue il y a un mois alors que la santé publique de l'Estrie a déterminé qu'il n'y avait pas d'excès de cas. Des documents que nous avons reçus grâce à la loi sur l'accès à l'information lèvent le voile sur les derniers mois de cette enquête et montrent que la santé publique avait bel et bien dans son collimateur les usines de pâtes et papiers de la région.

«Nous devons possiblement regarder s'il y a des agresseurs associés à la SLA [et la sclérose en plaques] qui se trouvent récemment projetés par l'usine» de pâtes et papiers dans le Val-Saint-François, propriété de Domtar, écrit, dans un courriel daté du 30 septembre, la directrice régionale de santé publique, la Dre Isabelle Samson. Elle suggère notamment «une exploration plus spécifique» de cette industrie en lien avec l'enquête.

Dans un document du 1er octobre, la santé publique écrit qu'elle recommande d'«évaluer les risques à la santé liés à la proximité résidentielle des usines de pâtes et papiers, compte tenu des préoccupations évoquées en ce sens et du manque de connaissances à cet égard».

En entrevue avec le 107,7 Estrie, la Dre Samson indique que, en l'absence d'un facteur connu qui lierait l'industrie à la SLA, une telle évaluation du risque est impossible à réaliser. Elle rappelle aussi que l'enquête a montré qu'il n'y avait pas d'excès de cas de SLA.

Qu'à cela ne tienne, «on regarde avec le ministère de l'Environnement régional […] et on amène le point au niveau national, à savoir si on ne doit pas aller plus loin» avec ces entreprises, dit-elle.

«Nous, on va la surveiller, l'industrie»

Dre Isabelle Samson

Cette surveillance ne se fera pas nécessairement en lien avec les possibles impacts de l'industrie sur la SLA, mais plutôt de ses possibles impacts sur la santé globale. Les travaux ont déjà commencé avec le ministère, confirme la Dre Samson.

«On est dans un mode de protection de la santé, si nécessaire, mais on n'est pas dans l'évaluation de risque, car on ne sait même pas s'il y en a un encore. […] Admettons qu'on trouverait un agresseur qui nous inquiète, oui, on a des outils pour aller plus loin», indique-t-elle.

Selon les documents que nous avons reçus, la santé publique vise l'usine de Domtar à Windsor, mais aussi celle de Kruger à Sherbrooke, située tout près de la frontière avec le Val-Saint-François.

Dans un de ceux-ci, la santé publique note que Kruger et Domtar recevront «prochainement» un renouvellement de leurs autorisations de rejets dans l'environnement. «Il faudrait évaluer s'il y a des leviers à ces niveaux», est-il écrit, en référence à une possible baisse de ces autorisations.

Sollicité pour un commentaire, le ministère de l'Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs souligne que «le ministère de l’Environnement possède l’expertise liée aux enjeux environnementaux, son rôle dans ce dossier est  [donc]  d’assurer la protection de l’environnement et de veiller au respect de la réglementation en vigueur. Nous travaillons en collaboration étroite avec la Santé publique, notamment par des échanges de connaissances».

«En ce qui concerne les normes de rejets atmosphériques, aucune modification de ces dernières n’est prévue pour les usines de pâtes et papiers en Estrie. Les normes en place demeurent en vigueur.  Ces établissements ont tout de même des études et des plans d’action à fournir par l’entremise de leur autorisation afin d’améliorer la qualité de l’air», précise-t-on.

Du côté de Domtar, on écrit ne pas être «au courant des initiatives mentionnées tant au niveau de la Santé publique avec le ministère […] que des autres papetières. Si la direction de la Santé publique de l’Estrie et le ministère […] nous approchent dans le cadre de leur démarche, nous collaborerons pleinement à celle-ci».

Idem du côté de Kruger, qui note ne pas être au courant non plus «d’initiatives de la Santé publique de l’Estrie et du ministère de l’Environnement visant nos installations».

«Par ailleurs, ajoute-t-on, Kruger s’engage à protéger l’environnement pour le bien de nos employés, clients et partenaires, ainsi que des communautés dans lesquelles nous œuvrons.»

CIUSSS de l'Estrie-CHUS

Source: CIUSSS de l'Estrie-CHUS

Un lien possible?

Tout cela survient alors qu'une étude publiée en juin dernier par le Pr Daniel Saucier, associé à l'Université de Sherbrooke, montre que le dioxyde de soufre a une association avec le développement de la SLA. Le dioxyde de soufre est l'un des principaux contaminants émis par les papetières, indique le Pr Saucier.

Son étude, menée au Nouveau-Brunswick sur 304 personnes atteintes de la SLA et 1207 individus contrôles, montre que la chance de développer la SLA augmente «significativement» chez les personnes exposées au dioxyde de soufre dans les cinq et dix ans qui précèdent l'apparition des symptômes. 

Fait d'autant plus préoccupant, cette réalité était toute aussi vraie pour les personnes exposées à des niveaux quatre fois moins élevés que la norme jugée sécuritaire.

«Peut-être que les normes d'émissions sont arbitraires. […] Ce serait à réviser peut-être à nouveau», note le Pr Saucier, qui travaille à l'Université de Moncton.

Suivant ses recherches, le Pr Saucier précise qu'il doit toujours déterminer si le dioxyde de soufre est un facteur qui, combiné à d'autres, cause la SLA ou s'il accélère le développement de la maladie qui est déjà présente.

Les résultats de Daniel Saucier ont été cités plusieurs fois dans les documents de la santé publique que nous avons obtenus. Questionnée à ce sujet, la Dre Samson dit s'attarder à la science émergente dans le domaine, dont cette étude.

Craintes très tôt dans la Capitale-Nationale

Une autre demande d'accès à l'information nous a permis d'obtenir des courriels et des documents de la santé publique de la Capitale-Nationale, responsable d'une enquête similaire dans Charlevoix après des révélations des médias de Québecor sur un possible excès de cas dans une région qui compte aussi une usine de pâtes et papiers.

La santé publique de l'endroit a interpellé celle de l'Estrie en février, sept mois avant le début de la situation à Charlevoix, parce qu'elle craignait de vivre une réalité similaire à l'Estrie en raison de la présence d'usines semblables sur son territoire. À ce moment, l'Estrie était au début de son enquête.

L'inquiétude initiale visait toutefois une papetière dans la ville de Québec, et non pas celle de Charlevoix.

En septembre, toutefois, une médecin spécialiste en santé publique de la Capitale-Nationale prévoyait que «les papetières vont être mises à l'agenda dans plusieurs régions».

La santé publique de l'Estrie aide, à certains niveaux, celle de Charlevoix dans son enquête. Si celle de Charlevoix montre un excès de cas qui pourrait être lié à la présence de l'usine de pâtes et papiers, l'Estrie pourrait réagir en conséquence.


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