Le 30 avril 2019, le Québec était secoué par la mort tragique d’une fillette de 7 ans, martyre de Granby. Six ans plus tard, le rapport très attendu de la coroner Géhane Kamel dresse un portrait accablant des défaillances systémiques ayant mené à cette tragédie, malgré des signalements répétés et l’implication de plusieurs instances. Le document de 26 pages formule 12 recommandations et relance avec force le débat sur l’état de la protection de la jeunesse au Québec.
La coroner ne blâme pas uniquement la DPJ. Elle insiste, ce drame est le résultat d’un échec collectif. «Ce drame ne relève pas uniquement du réseau hospitalier, de la DPJ ou du milieu scolaire. Il engage la responsabilité de tous les acteurs, à savoir les CLSC, la protection de la jeunesse, l’éducation, la justice, la santé et, j’ose le dire, de chaque membre de cette société», affirme-t-elle.
Fait marquant, entre 2012 et le jour de sa mort, la police est intervenue 24 fois au domicile de la jeune fille. Cependant, aucune mesure décisive n'a été prise pour la protéger efficacement.
Des peines judiciaires et un lourd héritage
Rappelons que la belle-mère de la fillette a été condamnée à la prison à perpétuité, sans possibilité de libération conditionnelle avant 13 ans. Le père a, quant à lui, écopé de trois ans et demi de prison pour séquestration. Il est désormais libre.
Le rapport insiste sur la nécessité de consolider les services psychosociaux de première ligne, de mieux adapter les interventions aux populations vulnérables et de mettre en place un registre unique recensant tous les cas pris en charge par les DPJ du Québec. Autant de mesures qui, selon plusieurs intervenants, tardent à se concrétiser sur le terrain.
Une pénurie de personnel criante
Selon Danny Roulx, représentant national de l’APTS en Estrie, il y a des signaux très importants qui sont envoyés dans ce rapport sur la rétention de la main d'oeuvre et sur la nécessité d'investir massivement en première ligne dans les prochaines années
Un des points importants est la difficulté de concertation dans le milieu et la main d'oeuvre à la DPJ, on y écrit:
«La pénurie de main-d’œuvre et l’attractivité limitée du travail d’intervenant à la DPJ demeurent des défis majeurs. La lourdeur et l’intensité de la tâche amènent plusieurs intervenants à quitter le milieu des services à la jeunesse, ce qui ne fait qu’aggraver la pénurie et nuire à la qualité des services offerts aux familles vulnérables», selon M. Roulx
Des ressources, mais surtout des moyens
Maître Valérie Assouline, avocate de la famille de la victime, salue un rapport «humain et bienveillant», mais insiste: «Il faut donner les moyens financiers et juridiques aux nouvelles instances comme la Commissaire au bien-être des enfants, pour qu’elles puissent vraiment agir. Sinon, rien ne changera.»
Elle déplore aussi que les organismes communautaires et les services en amont soient encore trop souvent négligés dans l’octroi des budgets, alors qu’ils sont essentiels pour soutenir les familles avant qu’un drame n’éclate.
Une déclaration du CIUSSS
Dans une déclaration écrite transmise par le CIUSSS de l’Estrie, le PDG Dr Stéphane Tremblay reconnaît l’impact du rapport: «Il apporte un éclairage nouveau. Nos équipes ont agi avec détermination pour corriger les lacunes. Mais il reste du travail à faire.»